Pensées confuses...

Ilya errait dans les couloirs sans but réel... Après ce qu'il s'était passé avec Ichika, elle ne savait plus vraiment quoi penser... Son esprit était complètement embrouillé... Plus rien n'était rationnel... Seul restait cette agréable sensation de bonheur qui réchauffait le cœur de la jeune infirme. Elle connaissait cette sensation, bien qu'elle ne l'avait que peu ressentie depuis sa naissance...

Est-ce bien? Est-ce mal? Est-ce allé trop loin? Les questions fusaient et étaient nombreuses, mais n'avaient pas forcément de réponse... Elle avait dit à Ichika qu'elle la considérait, elle ainsi que Daemon comme des grandes sœurs protectrices... Mais était-ce vraiment ce sentiment? N'était-ce pas plutôt et simplement ce que tout le monde appelait "tomber amoureuse?"

Difficile à dire en fait, Ilya n'ayant jamais vraiment aimée personne... Du moins, pas en particulier... Et surtout pas autant... Pas avec des sentiments aussi forts...

Mais elle était déçue dans son bonheur... La disparition soudaine de Daemon lui avait rappelée la fois où Ichika elle-même avait disparue... Un souvenir et une sensation très désagréable... Mais une chose est sûre, elle ne pourrait jamais répéter une chose aussi embarrassante à l'une ou à l'autre... C'était au-dessus de ses forces... même pratiquement infaisable...

Ilya stoppa son avancée. Son fauteuil roulant s'arrêta difficilement, les roues grinçant légèrement à cause d'un début de rouille... Le couloir était différent de tous les autres, il était décoré, vivant, beau... Et chaleureux... Même si rien au monde ne pouvait diminuer la chaleur que sentait Ilya dans son cœur... Elle se sentait quand même un peu triste et honteuse d'avoir fuit ainsi de la salle de bains, mais cela avait été plus fort qu'elle... C'était son esprit qui avait lâché, et son corps qui avait prit la fuite...

Inconsciemment, Ilya s'était arrêtée devant une porte. Cette dernière semblait mener, selon l'écriteau qui y était accroché, à la salle de détente... Une salle de détente... Pourquoi faire?

Car il restait toujours le problème avec Daemon. Comment allait-elle lui redire ce qu'elle avait dit à Ichika? Toujours aussi difficile, toujours aussi embarrassant... Ilya resta un moment, repliée sur elle-même, marmonnant des phrases incompréhensives en réfléchissant... Jamais elle ne pourrait... redire... cela... C'était vraiment... trop embarrassant...

Un petit silence suiva, mais il ne dura pas car Ilya leva la tête et s'énerva contre sa faible volonté, le tout à voix haute...

"Pourquoi ai-je si peu de volonté? Cela ne doit quand même pas être si dur de dire à Daemon que je l'aime aussi! je l'ai bien dit à Ichika, alors pourquoi pas à Daemon? C'est vrai qu'elles sont un peu mes grandes sœurs, mais je..."

Ilya soupira et se tut. Il n'y avait aucun mérite à s'insurger contre soi-même. Il fallait changer, intérieurement, sans l'aide des autres... Et crier envers soi était un peu inutile... Inutile et risqué, car derrière Ilya, dans le couloir, il y avait quelqu'un qui arrivait... Et si c'était Daemon? Et si elle avait entendue? Et si... Comment... allait-elle réagir? Ilya perda tous ses moyens d'un seul coup, son corps refusant d'obéir à son esprit... Il était sûr et certain, que dans un couloir aussi étroit sa voix résonne en écho... Mais pour la jeune infirme, même si il ne s'agissait pas de Daemon, la chose restait embarrassante... Elle était rouge, c'était visible d'ailleurs, et gênée que quelqu'un ait pu l'entendre... Que faire? Quoi dire? Ilya était dans l'impasse pendant que la personne se rapprochait...

Pour une fois, Daemon devait l'admettre : elle était complètement et définitivement paumée. Entre le comportement d'Ilya à la salle à manger, la réaction furieuse d'Ichika et le départ en trombe de la jeune infirme... Elle ne savait vraiment pas ou donner de la tête. *C'est bien la première fois que je me préoccupe autant de quiconque depuis... ce jour...* Un soupir triste lui échappa et, même si Nano n'avait fait aucun commentaire, la désorientation des nanomachines l'espace d'une microseconde voulait tout dire... Et Daemon en soupira deux fois plus.

Elle avait quitté la salle de bain en trombe à la poursuite de la jeune fille, pensant tout juste à prendre ses habits avant de la courser. Pour l'avoir porter pendant un moment, elle avait oublier la serviette qui recouvrait son corps. Mais évidemment, en se rendant compte qu'elle pourchassait la jeune fille dans une simple serviette de bain, elle finit par s'arrêter assez longtemps pour enfiler ses vêtements : ses sous vêtements noirs classiques et le seul jean noir qu'elle possédait accompagné d'un simple chemisier tout aussi noir. Ce genre de tenue faisait ressortir la couleur de ses cheveux.

Elle ne pouvait pas dire si quelqu'un l'avait vu dans cette tenue... inappropriée. Mais pour tout dire, elle s'en fichait éperdument pour l'instant et reprit sa poursuite seulement une minute après s'être arrêtée. Malheureusement et fatalement, elle avait prit du retard sur la jeune infirme et la pister se révéla un peu difficile. C'est dans des moments comme ça que je suis utile, jeune diable. Une seconde... Droite.

Daemon n'aimait pas quand Nano prenait les commandes. C'était toujours une expérience désagréable de l'entendre réagir à ses faits et gestes sans qu'elle lui en ait donné l'autorisation. Mais cette fois-ci, elle devait admettre que l'entité lui était d'une aide précieuse : son trouble ne lui aurait pas permis de faire le scanner elle-même.

Elle suivit les directives sans un mot, trop occupée à réguler sa respiration et arriva dans un couloir plutôt étroit. En remontant le couloir elle entendit ce qui lui semblait être un murmure et n'avait pu couvrir le bruit de sa propre respiration. Toutefois, au fur et à mesure qu'elle se rapprochait, le murmure se faisait plus distinct et elle reconnut instantanément la voix.

"...pourquoi pas à Daemon? C'est vrai qu'elles sont un peu mes grandes sœurs, mais je..."

Daemon arriva à sa hauteur et se courba un peu, lançant un regard confus à la jeune fille empourprée. *Huh... ?* Se redressant, la Méta Machine lui adressa un léger sourire en essayant de comprendre ce qu'il pouvait bien passer par la tête de sa camarade de chambre. Renonçant au bout d'une ou deux minutes puisqu'elle n'était pas télépathe, elle finit par briser le silence du couloir.

"Ilya ? Ca va ?"

Bon, ce n'était pas la question la plus pertinente à poser mais pour le moment elle lui semblait appropriée : elle s'inquiétait pour la jeune fille. La Méta Machine n'y avait pas fait attention, trop pressée qu'elle était, mais ellle n'avait pas terminé de boutonner son chemisier un peu plus tôt, laissant le vêtement adopter un décolleté plus accentué que d'habitude.

Ilya, tétanisée, était inquiète au plus haut point. Si quelqu'un l'avait entendu, elle allait sûrement en mourir de honte! C'était vraiment gênant que d'autres personnes soient au courant de ses sentiments, et elle avait l'air un peu idiote ainsi, à se parler seule... Certaines pouvaient même penser qu'elle avait perdue l'esprit...

Mais Ilya sombra rapidement dans la panique lorsqu'elle vit que c'était Daemon qui arrivait, tranquillement... Selon toute vraisemblance, cette dernière l'avait suivie, après que la jeune infirme se soit enfuie de la salle de bain... Mais comment réagir? Que dire, que faire, lorsque la personne pour qui l'on éprouve des sentiments vient à l'instant même d'entendre sa déclaration? Comment réagir? Ilya n'avait malheureusement pas la réponse à cette question, et son cœur battait de plus en plus vite à chaque pas de sa colocataire, qui s'approchait de plus en plus d'elle... La jeune infirme retena sa respiration, jusqu'à ce que la méta-machine s'arrête à quelques mètres d'elle et lui demande:

"Ilya ? Ca va ?"

Est-ce que cela allait...? C'était cela, la question la plus importante pour Daemon? Non, elle s'inquiétait... C'était si gentil de sa part... Il ne fallait pas partir d'un point de vue négatif: la jeune méta-machine s'était fait du soucis pour elle, et continuait à s'en faire... Ilya en fut touchée, bien qu'elle était un peu déçue que Daemon n'ai pas entendue sa déclaration... Ilya poussa un fin soupir et répondit en souriant:

"Ca... ca va, merci... Désolée d'avoir causée du soucis..."

Comment en était-elle arrivée là? Comment ressentait-elle ces sentiments, et pourquoi maintenant? Le déclic de tout cela devait sûrement être la déclaration d'Ichika, franche et sans ambiguïté... Ilya avait dit qu'elle les aimait comme des sœurs, mais elle avait déjà réalisée que la réalité était autre. Quand elle était avec elles, son cœur battait plus vite, elle se sentait bien, et seules les paroles de ses amies avaient de l'importance... Plus rien d'autre ne comptait en fait... C'était à cause de ce sentiment qu'elle avait été si profondément blessée dans la salle à manger... Elle le restait toujours, car quelque chose en elle faisait ressortir ce sentiment douloureusement, ce qui se traduisait par un picotement au niveau de la poitrine de la jeune infirme... Mais en y pensant... Daemon? Que ressentait-elle avec Ilya? Quels étaient ses sentiments? Que pensait-elle de cette dernière? Quelle vue avait-elle de cette jeune fille si fragile? Sans raison particulière, la conscience d'Ilya l'intima de poser la question à la méta-machine.... La jeune infirme n'en avait aucune envie, et ne comptait pas le faire, mais...

*Un problème?*

Quoi? Encore toi?

*Laisse moi t'aider...*

La jeune infirme baissa soudainement la tête, après la réponse souriante qu'elle avait faite à la méta-machine. Cela pouvait sembler étrange à n'importe qui, mais de toute façon, qu'est-ce qui n'était pas étrange chez cette jeune fille depuis tout à l'heure? Les mains d'Ilya se resserrèrent sur sa robe, et Ilya demanda doucement, d'une voix légèrement plus grave...

"Daemon, je veux savoir ce que tu ressens pour moi."

Sa bouche se ferma instantanément. Qu'est-ce qu'elle venait de dire? Pourquoi si soudainement, alors que Daemon lui demandait si tout allait bien, Ilya avait-elle posée cette question??? Aux yeux de la méta-machine, il n'y aurait sûrement aucun sens!!! Comment en arriver à une telle demande, si gênante et si embarrassante, alors que le sujet était tout autre??? C'est complètement incohérent. Et ridicule.

La question était tellement gênante qu'Ilya porta ses mains à son visage pour cacher le rouge qui brillait maintenant sur ses joues. Geste bien inutile, car il n'y avait pas que ses joues qui brillaient rouge feu... L'autre personne avait encore parlé à sa place... Et c'était en plus une question très gênante! Mais... Ilya voulait savoir la réponse, il était trop tard pour reculer maintenant... Et s'enfuir ne lui plaisait pas... Elle voulait savoir... Réellement... ce que la méta-machine pensait d'elle...

[désolée de répondre un peu en retard, je n'étais pas chez moi]

"Ca... ca va, merci... Désolée d'avoir causée du soucis..."

Daemon lui répondit par un sourire rassuré avant de se s'adosser au mur tout proche. Elle avait besoin de retrouver ses esprits deux secondes et, découvrant l'état de son chemisier, elle se mit à le boutonner normalement histoire de ne pas paraitre indécente aux yeux de la jeune fille. Une fois cela fait, elle passa un regard rapide sur la jeune infirme en tentant de la jauger. Que se passait-il dans l'esprit de la jeune fille ? Pourquoi réagissait-elle ainsi depuis quelques instants ?

"Aucun problème. Du moment que tu vas bien, l'inquiétude n'a aucune importance."

La voix d'Ilya avait quelque chose d'étrange par moment. Depuis le moment ou elle l'avait rencontré, elle avait une voix calme et très féminine, que l'on distinguait aisément même dans une salle bondée. Pourtant, par moments, sa voix devenait plus basse. Et ça n'avait rien à voir avec un changement de ton naturel. Ses paroles basses étaient plus difficiles à sortir. On dirait qu'elle avait du mal à les sortir, comme si elles étaient forcées à travers sa bouche. Daemon avait vu suffisamment de choses étranges pour pouvoir noter ce genre de détail.

La Méta n'avait pas l'impression d'avoir fait quelque chose de mal... Est-ce que la jeune infirme était partie à cause d'elle ?

"Daemon, je veux savoir ce que tu ressens pour moi."

La Méta Machine se figea. *Quoi ?* Confuse, elle se sentit rougir et commença à s'agiter contre le mur. Elle était réellement déstabilisée par la question de la jeune fille. C'était l'une des choses qu'elle n'aurait jamais pu anticiper. C'était vraiment, vraiment perturbant pour elle.

Daemon n'avait jamais eu une compréhension parfaite des sentiments. Elle comprenait qu'à peu près les émotions, étant capable de les nommer et de les distinguer. Mais tout ce qui dépassait la joie immédiate, la peur basique et l'adrénaline des combats était bien trop compliqué pour sa compréhension. Durant sa "formation", les hommes ne s'étaient pas encombrés avec ce genre de détails. A ce titre, la Méta possédait ce que l'on pourrait appeler de la naïveté.

Et là... elle ne savait que répondre. Elle aimait la jeune infirme mais qu'est-ce que cela signifiait exactement ? Une amitié ? Une affection fraternelle ? Un sentiment plus fort encore ? Elle ne savait même pas ce que pouvait être un sentiment plus fort que ça. Elle ne l'avait jamais expérimenté dans sa vie...

"Je..."

D'où pouvait bien provenir une telle question ?

"Je... ne sais pas, Ilya. C'est... compliqué."

Elle tenait vraiment à la jeune infirme mais comment savoir de quelle manière elle tenait à elle ? Elle n'en avait tout simplement aucune idée. Et quand bien même, elle n'était pas certaine d'être capable de l'exprimer ainsi de but en blanc.

Daemon savait qu'elle rougissait mais elle n'y faisait pas attention. Elle scrutait la jeune infirme avec une pointe de malaise tout en tentant de s'excuser avec ses yeux.

"Je ne suis pas la mieux placée pour parler de sentiments, Ilya. Je... Je tiens à toi, énormément. Plus qu'à quiconque en fait mais... Je serai bien incapable de dire de quelle nature est cet attachement..."

La Méta n'était vraiment pas à l'aise. Chose plutôt rare pour elle...

Comment la situation avait pu en arriver là? Comment avait-elle pu prendre ce sens, cette direction? Comment? Comment? L'amitié entre les trois filles devenait de plus en plus forte, alors y avait-il vraiment besoin d'en rajouter plus, en voulant connaître les sentiments de ses amies? Des sentiments, il y en avait de tout type, mais du moment que ses colocataires étaient heureuses, où était le mal? Pourquoi fallait-il vraiment pour Ilya savoir ce que Daemon pensait d'elle? Pourquoi briser cette amitié, en tentant de faire dire à ses amies des choses pas forcément en rapport avec un amour pur...? Ilya sentait qu'elle était allée trop loin, beaucoup trop loin en vérité... Et la première réponse de la méta-machine confirma sa pensée:

"Je... ne sais pas, Ilya. C'est... compliqué."

C...ompliqué? Les sentiments sont-ils toujours compliqués? Ou c'était Daemon qui avait du mal avec eux? Difficile à dire en fait... Mais une chose était sûre, la méta-machine n'était pas à l'aise, et Ilya en était perturbée... Elle ne voulait pas causer de tort ni ne déranger ses amies... Elle savait qu'elle était responsable du malaise de Daemon, mais elle ne savait pas trop comment freiner ses paroles parasites, lancées par un "être vivant sur Terre"... Un manipulateur...? Quelqu'un qui prenait le contrôle des autres? C'était vraiment quelque chose d'étrange et de dérangeant, et elle savait que personne ne la croirait ici... Personne...

"Je ne suis pas la mieux placée pour parler de sentiments, Ilya. Je... Je tiens à toi, énormément. Plus qu'à quiconque en fait mais... Je serai bien incapable de dire de quelle nature est cet attachement..."

Un silence suiva les paroles de la méta-machine, Ilya la fixant étrangement en écarquillant les yeux, comme si le temps s'était figé pour la jeune infirme. Dans son esprit, résonnait en écho quelques mots prononcés par Daemon...

"Je tiens à toi, énormément. Plus qu'à quiconque en fait..."

Ilya sentit des larmes monter dans ses yeux, et se retena de justesse en détournant le visage... Elle ne le souhaitais pas... Elle était heureuse... Infiniment heureuse... Mais elle ne voulait pas... Elle ne voulait pas entendre cette phrase... Elle ne voulait pas... Elle désirait juste... que tout reste comme avant... Que tout le monde soit comme d'habitude... Mais.... Elle avait plutôt l'impression de s'engager dans un chemin sans retour...

Ilya regarda doucement en rougissant Daemon, ne sachant pas vraiment quoi dire... Une situation extrêmement gênante et embarrassante était maintenant perceptible... Le tout avec un silence pas vraiment plaisant. Mais pour le pire, le silence fut brisé, mais uniquement dans le mental de la jeune infirme:

*Un moment touchant. Très. J'en ai les larmes aux yeux*

Arrêtes! Tout est de ta faute! Tout! C'est à cause de toi si Daemon est déstabilisée... Si tu continue, elle va me détester!

*Allez! Je ne fais que dévoiler tes pensées secrètes! Je n'invente rien! Laisse moi t'aider, et tu y arriveras...*

N... Non! Laisse moi tranquille! Disparaît!!!!

*Pfff... Tu ne me laisse pas le choix...*

Le silence pesant du couloir, où seules les respirations des deux jeunes filles étaient audibles, devenait vraiment insupportable. Ilya regardait d'un oeil discret Daemon, alors que cette dernière regardait ailleurs... Ce silence dérangeant aurait pu encore durer longtemps, mais une voix claire, nette, légèrement grave, et bien audible se fit entendre:

"Daemon... Je comprends tes sentiments..."

Que se passait-il? Ilya avait si froid tout d'un coup... Comme si elle ne portait rien... Mais c'était autre chose... C'était son corps qui ne lui obéissait plus en fait. Elle connaissait déjà cette sensation, car c'était ce qu'elle ressentait lorsque "l'autre" parlait à sa place... Mais cette fois, la sensation était vraiment forte... Extrême... Cette fois, il lui semblait qu'elle n'avait plus aucun contrôle sur son corps... Comme si il agissait seul... De sa propre initiative... Les paroles qu'elle avait prononcé à l'instant... Etait-ce "l'être sur Terre" qui en était responsable? Sans aucun doute... Ilya se sentait mal à écouter, impuissante, les paroles prononcées par "son corps"... Car ce dernier s'adressait à Daemon, le regard peu expressif et une expression à la limite de la neutralité... Et les paroles continuaient, virant bientôt la situation proche du cauchemar...

"Daemon... Je comprends tes sentiments... Tu es belle, tu es gentille, et tu es sans doute la femme la plus compréhensive de la galaxie. Mais... Tu ne dois pas renier tes sentiments."

Quoi?

"Je ressens beaucoup de choses pour toi Daemon... Lorsque tu es là, je sens mon cœur qui bat.... Qui bat... Plus vite que d'habitude..."

Non... Arrêtes...

"Je ne peux pas passer un jour sans te voir, c'est impossible... Je ne me sens pas bien loin de toi..."

Tais toi! Arrêtes tout!

"Je t'aime Daemon. Je t'aime de tout cœur. De toute mes forces. Et rien n'est sûrement plus fort que cela."

Pitié... Arrêtes... Je t'en supplie...

"Je t'aime... Je serais prête à n'importe quoi pour que tu sois heureuse. Je serais prête à tout te donner pour ton bonheur. Je serais même prête à donner mon propre cor..."

Un choc sourd coupa le déluge de phrases qui venaient de tomber sur Daemon. Le crâne d'Ilya venait de percuter le mur le plus proche, causant un écho métallique dans les parois de la station... Le choc avait vraiment été violent: la jeune infirme avait frappée sa tête de toutes ses forces dans le mur pour stopper les paroles dérangeantes qui sortaient sans discontinuer de sa bouche, et apparemment cela avait marché... Conséquence de cette réussite, cependant, était les longues gouttes de sang qui commençaient maintenant à perler le long du visage de la jeune infirme. Mais cette dernière ne s'en inquiétait guère. Ilya, entre deux vertiges, esquissa un léger sourire envers sa colocataire, un sourire étrange... Et en même temps un peu attristé... Ce fut presque une plainte qui émana de sa bouche...

"D....ae...mon..."

Daemon s'était à nouveau figée en entendant ça. Pas qu'elle soit choquée car ce genre de situation ne lui était pas inconnue. Non, ce n'était pas la situation en elle-même qui la troublait. C'était sa propre réaction face à cette situation.

Au fur et à mesure que la jeune infirme avait parlé de cette voix qui lui semblait tellement alien, ce qu'elle lui avait dit avait voyagé loin en elle, allant chercher quelque chose dans son coeur et dans son âme qui maintenant lui envoyaient une drôle de sensation. Comme une envie, un picotement qui la rendait bien plus consciente de son environnement. Ce "je t'aime" dont pas mal de romans parlent, ces quelques mots qui avaient sur les humains un tel pouvoir capable de tout chambouler en une seconde, ces mêmes mots venaient de lui être adresser. Et elle était ô combien troublée.

Car même si les mots lui allaient droit au coeur, la façon dont ils avaient été dit, de cette même voix... cela la préoccupait. N'oublies pas, jeune diable, que ces vacances ne dureront pas. Tu devrais apprendre à te relâcher de temps en temps. Pourquoi fuis-tu ainsi tes sentiments ? *Parce qu'ils pourraient très bien être ma perte, Nano.* C'est vrai... Mais les ignorer est tout aussi dangereux, jeune diable.

Daemon ramena brutalement son attention sur la jeune infirme lorsqu'un son métallique résonna dans le couloir déserté. Mais qu'avait-elle fait... ? C'est à cet instant que la jeune Méta découvrit le sang et, automatiquement, cela mit un terme à ses hésitations. Elle avait été entraînée pour réagir au quart de tour et le sang était l'un des déclencheurs de ses actions.

"D...ae...mon..."

La Méta Machine s'avança aussitôt, mettant de côté dans un coin de son esprit la déclaration de la jeune infirme en se promettant de l'aborder plus tard. Pour l'instant elle préférait s'occuper de soigner la jeune fille. Elle s'approcha d'Ilya et posa une main légère sur sa joue gauche, cherchant ses yeux en lui parlant.

"Je suis là... Et je ne vais nulle part."

La Méta aurait voulu soulever la jeune fille dans ses bras et la conduire elle-même dans leur chambre pour soigner son crâne meurtri. Cela aurait été plus rapide que de pousser la chaise de la jeune fille mais... D'un autre côté, elle n'aurait pas eu le temps de revenir chercher la dite chaise.

Daemon adressa donc un sourire rassurant à la jeune fille avant de passer dans son dos. Elle leur fit redescendre le couloir à bon pas. Elle possédait de quoi soigner les blessures dans son sac, c'est pourquoi elle ne pensa même pas à l'infirmerie. Et tandis qu'elle les conduisait, ses pensées tournoyaient follement dans sa tête. Elle craignait tellement pour la santé de sa jeune camarade de chambre... C'était bien la première fois qu'elle s'en faisait autant comme l'avait souligné Nano une fois. Alors... qu'est-ce que cela signifiait ? Quelle était la nature exacte de ses sentiment pour elle ?

Le fait qu'elle soit incapable de le déterminer par elle-même était excessivement frustrant. Ses yeux tombèrent sur la tête d'Ilya et elle se retint de lui caresser les cheveux, craignant de lui faire mal si jamais elle le faisait. Pourtant son envie n'en était pas moins forte...

Combien de temps s'étaient écoulés? Combien d'heures étaient passées? Combien de jours venaient de défiler? Combien de mois? Tout cela n'avait aucune importance... Ilya souhaitait seulement ne pas sortir de l'endroit où elle était... Cette pièce colorée, imagée, décorée, où siégeait de nombreuses petites peluches, de toutes les couleurs... Elle avait mal à la tête, elle le sentait... Mais elle se sentait bien, à regarder cette pièce, que l'on pouvait appeler sa chambre... Une pièce vraiment belle... Vraiment très belle... Si belle... qu'elle ne s'y sentait pas totalement à l'aise... Mais elle continuait à la regarder, à s'en imprégner...

Une voix... Une voix l'appelait... Son prénom... C'était son prénom... Mais deux personnes venaient vers elle, passant une porte aveuglante par sa blancheur, comme si elles venaient d'un autre monde... D'un autre univers... D'un autre endroit...

Une troisième personne était dans son dos... Ilya pouvait maintenant distinguer les visages, les distinguer clairement, et les dévisager...

L'une des deux personnes devant elle ressemblait à un robot, mais étrangement, ne faisait aucun bruit mécanique. Mais c'était un robot vraiment élégant, avec des cheveux roses, et d'une beauté surprenante... La deuxième personne était une jeune femme, armée d'un grand sabre, avec des cheveux or... La troisième était une autre jeune femme... Mais celle-ci... n'avait pas de visage... Une ombre noire y était en tout et pour tout... Une vision dérangeante et anormale, pouvant déstabiliser n'importe qui... Ilya regarda un moment cette étrange jeune femme au visage invisible, lorsque que la femme au corps de robot s'adressa à elle d'une voix haineuse:

"C'est ta faute... A cause de toi... C'est ta faute..."

Ilya ne comprenait pas vraiment, et s'apprêta à demander plus d'explications lorsque la jeune fille au sabre et aux cheveux or s'adressa à elle aussi:

"Ainsi tu étais une ennemie. Je te hais. J'ai envie de te tuer."

Pourquoi? Pourquoi la jeune femme aux cheveux roses réagissait-elle comme la femme robot? Une ennemie? Comment cela? Cela n'avait aucun sens... Comment comprendre une telle situation?

Toujours est-il que les deux jeunes femmes approchaient doucement, leurs regards se faisant menaçants... Mais que leur avait donc fait Ilya? Elle était qu'une jeune fille infirme qui n'avait fait de mal à personne... Enfin si... Elle avait fait du mal... Mais... Pourquoi? Que lui reprochait-on?

"Par ta faute... C'est moi qui ai souffert..."

"A cause de toi, des gens vont mourir..."

Ilya se leva rapidement et répondit clairement:

"Par ma faute...? A cause de moi...? Des souffrances...? Des gens qui vont mourir...? Mais de quoi parlez-vous...?"

Ilya n'avait pas vraiment réalisé, mais elle était debout... Ses jambes lui obéissait normalement, sans une once d'hésitation. Mais elle n'eut pas le temps de s'en apercevoir que déjà deux bras l'entourèrent et l'immobilisèrent avec force... Ilya se retourna rapidement et découvrit que c'était la femme sans visage qui la maintenait ainsi... Cette dernière prit immédiatemment la parole et s'adressa à Ilya d'une voix terrifiante:

"Ilya... Tu a été une mauvaise fille... Une vilaine fille même... Pourquoi as-tu causé autant de tort aux gens..?"

"Des.... torts?"

Ilya comprenait de moins en moins la situation, si ce n'était qu'elle ne pouvait plus bouger et que les deux jeunes femmes continuaient leur approche, avec un air menaçant. Celle robotisée prit d'ailleurs la parole, d'un ton remplit de haine:

"Comment... as-tu osée... Me donner ta destinée?"

La jeune femme aux cheveux roses s'adressa dans le même mouvement:

"Comment as-tu osée... Toutes nous tromper?"

La jeune Ilya ne comprenait vraiment plus rien... Pourquoi ces personnes lui en voulait à ce point? Cela n'avait aucun sens! Elle ne leur avait rien fait! Et elles avaient l'air menaçantes qui plus était... Il fallait vite fuir! Courir! Sans se retourner... Mais elle était immobilisée par l'inconnue derrière elle... La situation devînt véritablement un cauchemar lorsque le bras droit de la femme robot laissa émerger une lame métallique visiblement très aiguisée, tandis que la jeune femme aux cheveux or se mit en garde avec son sabre... Que se passait-il à la fin? Qu'allait-il se passait d'ailleurs? Tout était si... étrange...

Les deux jeunes femmes s'élancèrent vers Ilya, brandissant leurs armes, et hurlant presque simultanément:

"RENDS-MOI MA VIE!"
"RENDS-MOI MON AMIE!"

Les yeux d'Ilya s'écarquillèrent... Les deux femmes s'élançaient dans sa direction, leurs armes prêtent à frapper, mais la jeune Ilya n'avait pas peur... Au contraire, un sourire s'afficha sur son visage: elle reconnaissait enfin les personnes qui étaient devant elle... Elle les reconnaissait enfin... Enfin... ilya, les yeux embués de larmes, souria et s'adressa aux jeunes femmes:

"Daemon! Ichika! Je suis si heureuse de vous..."

La phrase ne fut pas terminée. Quelque chose de froid venait de traverser le cœur de la jeune fille. Qu'est-ce que c'était? On aurait dit qu'un courant été passé sans frapper, sans être invité, et qu'il remontait dans tous les membres de la jeune fille... Mais la réalité était toute autre...

La lame aiguisée et la sabre se retirèrent du corps de la jeune Ilya, qui s'écroula au sol dans un bruit mat... Une flaque de sang se répandit presque immédiatemment... Ilya avait froid d'un coup... Elle ne pouvait plus bouger, mais elle n'avait pas mal.... Daemon... Ichika... Elle avait pu les revoir avant de mourir... Même si c'était un peu étrange... Que ce soit ces dernières qui... Mais tout cela n'avait plus d'importance. Elle faisait bon, et tout était propice à sombrer dans le sommeil... Pendant les dernières secondes ou Ilya referma doucement ses paupières, elle cru voir Daemon et Ichika, couvertes de sang, pleurer entre elles... C'était si triste... Mais trop tard... Pour dire... Quelque chose...

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Ilya sursauta, faisant sursauter Daemon dans le même temps, qui poussait toujours son fauteuil roulant... Il semblait qu'elle venait de perdre connaissance pendant quelques secondes... Et qu'elle avait rêvé... Ou plutôt cauchemardé! Elle venait de voir un rêve ou Daemon et Ichika l'exécutait! Il y avait là de quoi être déstabilisé!

Ilya voulut se retourner rapidement vers Daemon, mais un profond vertige manqua de la faire basculer du fauteuil, et elle fut rattrapée de justesse par une Daemon réactive et très rapide. De tels vertiges... Des pertes de conscience... Sa blessure était-elle si grave que cela? Il était vrai qu'elle s'était ouverte l'arcade sourcilière, et qu'un bleu s'était positionné en lieu et place du choc sur son front, sans oublier le sang qui s'échappait sans discontinuer... Ses vertiges prirent le dessus sur ses pensées et elle manqua de sombrer à nouveau dans l'inconscience, mais elle fut réveillée par les paroles de Daemon... Bien qu'elle ne comprenait pas ce que cette dernière disait... La jeune infirme était dans un état second, et ne semblait plus vraiment maître de quoi que ce soit...

Plongée dans ses propres pensées, Daemon avait rattrapé la jeune infirme de justesse, atteignant ses vêtements du bout des doigts avant qu'elle ne bascule. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi la jeune fille réagissait comme ça en fait. La blessure qu'elle s'était faite n'était pas si grave que cela... Etait-elle fatiguée en plus d'être blessée ?

Quand la jeune infirme faillit basculer une seconde fois de son fauteuil, Daemon stoppa se dernier tout en la retenant. L'état de santé de la jeune fille l'inquiétait et, pour arranger les choses, ses affaires de soins étaient restées dans leur chambre. Durant une seconde la jeune Méta se serait bien frapper la tête contre le mur mais évidemment, elle ne l'aurait jamais vraiment fait : cela n'arrangerait absolument rien. Sa logique lui dicta donc de garder la jeune fille éveillée le plus longtemps possible. Elle avait remarqué que cette dernière vacillait sur son fauteuil et cela ne lui plaisait guère.

"Ilya, reste éveillée..."

La demande était à moitié une supplique et la Méta reprit sa marche vers les chambres avec plus de vitesse toutefois. Qu'est-ce qui avait bien pu arriver à la jeune fille pour qu'elle s'inflige un tel traitement de toute façon ? Avait-elle perdu l'esprit ? Daemon n'en savait rien mais elle aurait donné cher pour le savoir. Tout cela ne lui plaisait pas mais ce n'était pas cela qui la tourmentait. C'était l'impression désagréable qui enserrait sa poitrine, comme prise dans un étau, qui la perturbait.

La Méta Machine fit encore un pas mais elle s'arrêta finalement une fois encore puisque la jeune infirme faillit tomber à nouveau. Poussant un soupir, Daemon abandonna sa position derrière le fauteuil et passa devant en enclenchant les crans de sureté. Avec le fauteuil à présent incapable de rouler, elle se pencha sur la jeune infirme pour vérifier son état. Ses yeux étaient quelque peu voilés. Fronçant les sourcils, la Méta se pencha complètement et amena ses lèvres contre son oreille :

"Reste avec moi, Ilya"

Avant même d'avoir fini sa demande, elle passa ses bras sous la jeune fille et la souleva, prenant bien soin d'être la moins brusque possible. Dans des cas pareils, les nanomachines étaient une véritable bénédiction, elle devait l'admettre. Elle attira la jeune fille contre son buste, bien décidée à prendre soin d'elle tout en reprenant sa marche. Celle-ci était encore plus rapide qu'avant et un peu plus rigide aussi, d'une certaine façon.

Elle les conduisait rapidement vers leur chambre, se moquant éperdument des regards intrigués qu'on leur lancé ici et là. Au fur et à mesure qu'elles se rapprochaient des chambres de la station, elle croisait de plus en plus de pensionnaires. Ce qui, en un sens, était plutôt logique.

Brièvement, Daemon se demanda si la jeune fille était consciente de son inquiétude pour elle. Et dans la foulée, elle se demanda également ce qu'avaient bien pu se dire ses deux camarades de chambre dans la salle de bain. Elle avait fait le plus de bruit possible avec le jet de la douche pour leur assurer une certaine intimité mais maintenant qu'elle y repensait, elle regrettait un peu sa volonté de respecter cela. Et si elle avait manqué quelque chose de réellement important ?

Bien qu'elle ne sache pas ce que pourrait bien être ce quelque chose d'important, la Méta resserra inconsciemment sa prise sur la jeune infirme tandis que le couloir de leur chambre se rapprochait lentement mais surement.

Ses yeux se posèrent sur les traits d'Ilya. Avait-elle conscience de l'inquiétude atroce qu'elle lui faisait endurer ?

Ilya ne se sentait vraiment pas bien. Lorsqu'elle ouvrait les yeux, vertiges et pertes d'orientation étaient les seules sensations qu'elle percevait. Alors elle gardait ses paupières fermées, en espérant que la prochaine fois qu'elle les ouvriraient, tout serait à nouveau normal. Mais une perte de conscience rapide va mettre un terme aux espérances de la jeune fille, la confrontant à nouveau face à un rêve, peut être pas si imaginaire que cela...

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C'était une porte en fer. Ou peut être même en acier. Mais peut importait. Il fallait juste la franchir. Juste la franchir, pour arriver dans cette fameuse pièce...

La voilà... Cette pièce... Une si petite pièce.... Avec des étagères... Remplies de livres.... De manuscrits... Des tomes divers... Et ce petit bureau aussi... Avec cette homme... Assis.... Lisant.... Riant...

Ilya regarda ses mains: tout était normal. Tout allait bien. Elle n'avait pas mal. Elle avait juste un peu froid. Mais tout allait bien. Elle marchait. Elle respirait. Son cœur battait.

Mais ce qui la dérangeait, c'était cette pièce inconnue. Cette pièce qu'elle n'avait jamais vu... Ces étagères... Ces livres... Et cet homme...
Ilya avança doucement, passant totalement la porte en acier entrouverte, qui se referma rapidement derrière elle, sans pourtant faire de bruit quelconque. Elle ne s'arrêta pas, et continua d'avancer vers l'homme assis au bureau en train de lire. La jeune fille progressa jusqu'à une rambarde dressée sans grand sens le long de la pièce, et s'y appuya, comme si une force étrange l'y attirait. L'homme jeta un œil derrière lui, et tout sourire, en refermant un livre, se leva et s'adressa à Ilya:

"Tu en auras mis du temps à venir."

Ilya répondit presque d'une voix mécanique, comme si il fallait absolument une réponse, connue à l'avance, et prédictée:

"Qui êtes-vous? Où suis-je?"

L'homme souria, puis regarda les livres rangés tout en s'adressant à la jeune fille:

"Je vais d'abord répondre à ta deuxième question, car c'est tout de même la plus importante. Saches, chère Ilya, que tu es dans ce que le genre humain appellerait "l'Anti-chambre de l'esprit". C'était un philosophe allemand, Sigmund Freud, qui avait inventé cette théorie, car il l'avait déjà expérimenté lors d'un de ces innombrables voyages autour de la Terre. Selon lui, chaque être humain possèderait une pièce imaginaire représentant leur subconscient et l'ensemble de leur esprit. Dans cette pièce est stockée tous les souvenirs, les connaissances, les expériences de la personne concernée. Cette pièce a donc pour but de faire le point avec soi-même. J'aimerai dire que cet homme avait raison, mais c'était juste un illuminé un peu lunatique, préférant les diverses synapses encore inconnues de l'organe cérébral à sa famille. Cette pièce représentant chaque être humain n'existe pas, bien sûr, sinon chaque être humain en aurait connaissance et pourrait la visiter..."

"Alors où sommes-nous réellement?"

"Et bien comme la théorie de Freud n'existe pas, je me suis dit que ce serait bien de t'en créer une. Voici ton Anti-chambre de l'esprit, Ilya. Rien que pour toi."

La jeune fille, après un moment, bien que réticente, se décrocha de sa rambarde à laquelle elle était pourtant solidement agrippée, et se dirigea vers le bureau, où un livre -celui que lisait l'homme- l'attendait déjà. Sur la première page, il y avait écrit "Mémoires". Ilya ne savait pas trop ce que c'était, alors elle commença à feuilleter les pages diverses... C'était sa vie, noir sur blanc, qui était retranscrite, dans un russe parfait, sans style d'écriture particulier. L'homme reprit la parole:

"Intéressant, non? Chaque livre, entreposés sur les étagères, représentent une partie de toi. Une information, une connaissance, peut être même le souvenir d'une personne, le nom d'un objet, qui sait? Seule toi a accès à ses informations, enfin, lorsque tu en prends conscience..."

"Lorsque.... J'en prends conscience?"

La jeune Ilya posa le livre de ses mémoires et se tourna vers l'homme pour l'écouter en s'appuyant sur le bureau:

"Oui, car il y a des choses qui échappent à ton mode de pensée, à ton fonctionnement intellectuel. Et ces choses sont celles qui restent secrètement à l'intérieur de toi, et qui te dirige inconsciemment. Pour faire simple, ton subconscient pense à quelque chose, mais tu n'arrives pas à l'exprimer dans le monde réel. Ou pire, tu n'arrives pas à le comprendre. Vois-tu, ton esprit tente de ne pas s'accorder avec ton subconscient, et de ce fait tu n'es plus qu'une coquille mensongère qui se ment à elle-même."

"Qu... Quoi?"

"Ne nie pas Ilya. Je suis un intrus dans ton esprit, cela est vrai, mais j'essaye juste de te faire comprendre comment les choses fonctionnent. Vois-tu, j'ai vu lorsque j'ai pénétré ton subconscient pour la première fois, tes vraies pensées. Ce que tu pensais de la station, des pensionnaires, de la guerre, de tes souvenirs... La vérité, tu la connais n'est-ce pas?"

"C'est faux... Je ne..."

"Regardes, Regardes! Tu mens encore! Je vais te dire moi! Je vais te dire la vérité! La vérité c'est que tu hais cette station! Tu hais les personnes qui t'ont redonné vie et espoirs! Tu voulais juste mourir sur Terre, paisiblement et sans douleur! Après tout ce que tu avais enduré, tu pensais que le souvenir d'un ange t'accompagnant aurait été une compensation pour toutes les horreurs que tu avais subit! Tu ne voulais pas une nouvelle vie, de nouveaux faux espoirs, de nouvelles souffrances! Sur la station, de plus, tu as recommencée à vivre, insouciante, pensant repartir à zéro. Mais les souvenirs étaient toujours là, et tes espoirs s'écroulaient à chaque cauchemar que tu faisais! Tu souhaitais réellement la destruction de cette station! Mais ce n'est pas le pire... Le pire, c'est que TU ETAIS, et ES JALOUSE! Tu es jalouse des personnes qui n'ont pas eut une vie aussi horrible que la tienne! Tu as souhaité qu'elles souffrent autant que toi, tu as souhaité leurs morts! Tu as souhaité tout cela. Tu l'as espéré. Et tu l'espère encore."

Ilya tomba à genoux. Le sol était froid... Glacé... Mais elle ne le sentait pas... C'était vrai... Tout était vrai... Elle avait vraiment pensé ainsi... Mais... Il n'y avait pas que ça! Il n'y avait pas que ça!

"....Mais je sais ce que tu vas dire. Tu as rencontrée Daemon et Ichika. Des personnes qui ont eut aussi des vies difficiles et qui ont vécues sur Terre. D'où ton attachement envers elle. Tu as rapidement éprouvé de l'amour pour elles, pour Ichika en tant que grande sœur, et pour Daemon en tant que mère. Une forme d'amour qui est devenue bien plus forte et bien plus importante que tu n'aurais pu l'imaginer... Quelle ironie lorsque les personnes qui comptent le plus pour nous se mettent à nous tourner le dos! N'est-ce pas déplaisant Ilya? N'est pas déplaisant? Mais bon, maintenant que tu as -grâce à moi- déclarée ta flamme, que vas-tu faire? je te rappelle que ton but premier dans ta nouvelle vie était d'attenter à tes jours..."

Ilya était presque étouffée par les paroles de l'homme. Il l'avait percé à jour, et plus aucun secret n'existait... Il savait tout... tout... La gorge brulante d'Ilya réussissa quand même à poser une question, pendant qu'elle tentait de reprendre son souffle:

"Qui êtes-vous.... réellement?"

"AAAAaaaah oui, ta première question. Eh bien, disons que je suis ton père. Mais cela n'a aucune espèce d'importance. Je te l'ai déjà dit, mais grâce au sang que nous avons en commun, nous pouvons communiquer ensemble sous forme ADN... Un assemblage d'acides nitriques numérisées... Un chef d'œuvre de la nature. Nous sommes uniques, toi et moi."

"U...niques?"

"Oui. Enfin presque. Bien, notre minute de communication est terminée ma petite Ilya. Tu as le choix maintenant. Soit tu meurs, comme tu l'avais décidé depuis le tout début, soit tu tentes autre chose, comme par exemple en savoir plus sur ta véritable identité... A bientôt, Ilya...."

"Mon identité... Ma... Mort..."

L'homme disparut d'un seul coup, laissant la petite Ilya seule dans la pièce blanche parsemée d'étagères. Quelque chose de chaud coulait le long de son visage, mais trop faible, elle ne réussissa pas à porter sa main à l'origine de la chose pour savoir ce qu'il en était réellement. La fatigue commençait à la prendre, lorsqu'elle prononça quelques paroles:

"Daemon... Ichika... Elles comptent tant pour moi... Je ne veux pas leur faire du mal... Je ne veux plus souffrir aussi... Mais si je meurs... Vont-elles être tristes? Oui... Je pense... Alors je ne peux pas mourir maintenant. Je veux d'abord savoir... Qui je suis vraiment... Qui je suis réellement... Et après... Je pourrais... ... Mais... Je..."

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Ilya ouvrit doucement les yeux, comme si elle ne l'avait pas fait depuis longtemps... Elle fut presque éblouie par les lueurs du couloirs. Elle regarda rapidement autour d'elle, mais il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que Daemon la portait avec ses bras... Le visage de la méta-machine semblait trituré par l'inquiétude... Les yeux gris de la jeune infirme capta ceux de cette dernière pendant quelques secondes...

Ilya souria doucement, et une larme coula doucement le long de son visage. Le sang qui s'échappait de sa blessure commençait à diminuer, et sa plaie ne lui faisait maintenant plus aussi mal. La première larme tomba, suivit de près par la seconde. Les bras d'Ilya passèrent autour du cou de la méta-machine, comme si la jeune infirme voulait serrer Daemon, peut importait la manière. Ses yeux se refermèrent à nouveau, et elle sentait qu'elle allait à nouveau s'endormir, plus longuement cette fois-ci, peut être même indéfiniment... Mais au moins elle était heureuse...

Daemon poursuivait sa marche rapide sans se préoccuper des autres membres de la station qu'elles pourraient croiser. Pour l'instant, ils n'étaient pas plus important que les néons du couloir. Ce qui est étrange... Elle faillit en lâcher Ilya tant l'intervention de Nano était soudaine. Vraiment, cette entité qui avait tant fasciné les scientifiques de la Terre pouvait être irritante... Et avoir un mauvais timing. Hey ! Je n'ai pas un mauvais timing ! La Méta émit un hoquet moqueur à ce commentaire, ne se donnant même pas la peine de répliquer. Bon, d'accord jeune diable. J'ai parfois, rarement et malencontreusement, eu la mauvaise idée d'intervenir durant une bataille ou une évasion. MAIS ! Pas cette fois. *Ah... Et auras-tu la bonté de me dire en quoi c'est différent maintenant ?* La voix mentale de Daemon avait une certaine ironie. Si tu cessais de ressasser sans cesse les mots qu'elle a prononcé un peu plus tôt, tu remarquerais peut-être que quelque chose cloche, jeune diable.

Daemon fronça les sourcils et ralentit inconsciemment l'allure. Elle n'avait pas l'intention de faire plaisir à Nano en avouant qu'elle n'avait pas cessé de penser aux paroles d'Ilya.

"Je t'aime Daemon. Je t'aime de tout cœur. De toute mes forces. Et rien n'est sûrement plus fort que cela... Je t'aime... Je serais prête à n'importe quoi pour que tu sois heureuse. Je serais prête à tout te donner pour ton bonheur. Je serais même prête à donner mon propre cor..."

Par les étoiles, que cela pouvait la troubler ! La jeune Méta ne comprenait pas très bien ce qu'elle était exactement pour Ilya. Une amie ? Une soeur ? Une mère ? Une gardienne ? Ou plus que cela... ?

En analysant les mots qu'avait employé la jeune fille elle avait pu se faire une petite idée sur la question mais... Elle n'était pas totalement sûre à cent pour cent. Et puis... Sa voix. Que lui arrivait-il donc depuis quelque temps ? Cela avait commencé dans la salle à manger et les conséquences avaient été désastreuses. En un sens, Daemon avait envie de sortir Ilya de sa torpeur et de la secouer. Elle avait envie de la voir se battre, de la voir sourire... Baisse les yeux, jeune diable. Et la Méta le fit automatiquement, trop habituée pour penser à protester.

Les yeux gris d'Ilya se fixèrent dans les siens et elle en oublia l'intervention non résolue de Nano.

Le sourire de la jeune infirme apaisa les inquiétudes qu'elle avait à son sujet mais les larmes la rendirent confuse. Qu'est-ce qui pouvait bien passer par la tête de la jeune fille maintenant ? Les bras d'Ilya vinrent encadrer son cou, les rapprochant inévitablement tandis que d'autres larmes glissaient et que les paupières de la jeune fille tremblaient. Elle allait refermer les yeux bientôt : la fatigue qui se lisait dans son regard disait l'essentiel à savoir.

Avant qu'elle ne se rendorme, Daemon se pencha sur elle et posa ses lèvres sur sa joue, effaçant la larme qui s'y trouvait en y déposant un baiser.

Elle ne savait pas trop ce qu'elle-même ressentait pour la jeune infirme mais une chose était certaine, elle détestait la voir dans cet état. La Méta tenait à elle plus qu'à quiconque, elle ne reviendrait jamais sur ces paroles pour la simple et bonne raison qu'elles étaient la vérité absolue. Hormis Ilya et Ichika, Daemon n'avait personne. Pourtant... Ses sentiments à l'encontre d'Ichika s'apparentaient plus à de la camaraderie qu'à ce qu'elle ressentait pour Ilya... La Méta Machine arriva devant la porte de leur chambre et, lâchant les jambes de la jeune infirme, elle la serra contre elle tout en attrapant son passe. Elle le passa sur le système de sécurité et la porte coulissa sans un seul acoup, silencieuse.

La chambre était sereine et Daemon en était reconnaissante. Elle passa l'entrée et se dirigea vers le lit de la jeune infirme tandis que la porte se refermait derrière elles.

[=> Les Chambres ]